TENTATIVE DE DESCRIPTION



Au premier plan, le sable est assombri par les traces de pas. Il a été martelé toute la journée, et il occupe un bon cinquième de la vue. À la frontière des deux éléments, le mouvement de la mer est saisi par l'ourlet d'une petite vague, qui se replie sous elle-même en laissant l'ombre parfaite d'une lèvre sur le sable humide. Quelques mètres plus loin se dresse le personnage principal de la scène. Il est presque au milieu de la vue, il porte une partie du paysage sur ses épaules, sur sa tête et dans, sa tête. Il a de l'eau jusqu'à la taille ou presque, et l'on se demande ce qu'il fait là. La forme de son corps, la présence muette de son dos posent tout un tas de questions. Va-t-il nager par exemple ? Va-t-il partir et revenir ? Va-t-il vivre, va-t-il mourir…

Au second plan, une nouvelle vague est déjà là, qui ourle et menace la précédente. Fermement arrimée dans tout le sens de la largeur, elle barre en deux la dimension de la baie. La surface de la baie est couverte d'une peau bleue animale, vibrante et uniforme qui peine à l'accroche des derniers rayons du jour. À droite, ce godillot maçonné n'est que l'amorce d'un édifice militaire induisant l'idée de glacis ; point de vue, stratégie, ennemis où le vent se plaît toujours à chanter. Sur la gauche, cette poitrine asymétrique couverte de pins et de cyprès, et dont on l'œil éloigné est incapable de savoir s'il s'agit véritablement d'îles ? Même si villas, hôtels et autres bâtisses y sont à la fin déchiffrables. Aux pieds de cette hypothèse féminine et géographique, minuscule, blanc : un bateau de plaisance est au mouillage. Plus au large, au bout du godillot, la barque de pêche d'un vieux pécheur —pourquoi vieux ?— est déjà prise dans le filet de la nuit. Plus loin encore, quelques bouées semblent indiquer l'entrée de la baie à moins qu'il ne s'agisse d'écueils saillants plantés dans la lumière morte. Enfin, le dernier quart de la vue consacre le ciel et ses ébats oarystiques avec le soleil. La ligne d'horizon flotte entre deux bleus, derrière lesquels le monde entier, bascule.

Dans la profusion du soir, néanmoins, une trame violette —indescriptible— transparaît en filigrane et monte horizontalement vers le personnage et vers nous.

On dit ici que : Le ciel vient de prendre sa très précise couleur de prune…

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