ÉLÉPHANTIASIS



J'ai beau retourné mon atlas dans tous les sens, le découpage du continent africain ne laisse pas de me donner le tournis. Ces tracés insensés à la règle militaire effaçant des cartes anciennes non-écrites, coupant des peuples en deux, trois ou quatre zones forcloses, enjambant des sanctuaires, des lois tribales, des aires de pèches et de chasses traditionnelles, des bois sacrés, ou des cimetières… Oui ! mal au ventre. J'aimerais pouvoir me contenter d'une licence poétique et conclure que, décidément, il y a comme le profil d'une tête d'éléphant gisant dans la forme monobossue de sa morphologie. Mais aussitôt je dérive à l'Est en songeant à l'Inde — où d'autres éléphants geignent, des semblables, des frères, des esclaves enchaînés au fin fond des forêts —, et que naguère l'on appelait LES INDES, au temps maudit des colonies. Inde multiple mais unie dans la révolte, qui pour solde de tout compte a surgi en une seule et même nation ; état démocratique et fédéral. L'Afrique elle, est et demeurera plurielle. Mais nous continuons de dire l'Afrique, comme l'on disait jadis le Pont Euxin ou l'Arabie heureuse ! Ce ne serait guère important si l'on ne disait pas les Africains comme l'on dit les Arabes ; ou pire la rue arabe, que sais-je encore ? S'il est vrai, prouvé, prouvable au quotidien que les Français sont nuls et non avenus en géographie — jusques et y compris la leur — c'est aussi parce qu'ils manquent de nuance. Nous manquons singulièrement de ce réflexe démocratique, qui sépare les choses pour mieux les appréhender, mieux les comprendre c'est-à-dire les prendre en compte. L'Afrique est certes un continent, mais c'est un continent inconnu pour la plupart d'entre nous. Un continent noir, au sens psychologique du terme. Et voilà pourquoi mon "idée" de profil éléphantesque était une connerie. Et voilà pourquoi je reprendrai l'affaire avec plus de nuance, et moins de bêtise consubstantielle à mon état-civil !

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