DREAM ON


Peinture de Ka

Le rêve est une forme de désir très puissante, disait Luigi Éden-Théa. Et cette puissance, qu'il tire du réel, il la ramène au réel sous une attraction moutonnière, qui éclate au sol comme une bombe à eau. Il n'y pas grand chose de plus prégnant qu'un rêve, disait-il. Rien de plus touchant. Quoi ! une sensation… mais elle n'a pas cette durée du rêve. Une passion alors… Oui, mais c'est encore un rêve non ? Qu'y-a-t-il de plus réel que mon rêve lorsque je le rêve ou, lorsque je le raconte ? Rien, à part sa dissipation sûre, sa mort subite écrite en lettres fluorescentes dans le noir de l'existence. C'est là tout ce que le rêve, n'importe quel rêve, induit en soi. La force de mon rêve, c'est précisément de me convaincre de ce quelque chose, de cette faiblesse intrinsèque et finie qui le condamne pourtant. La faiblesse du moindre de mes rêves est monumentale. Elle a la force guerrière du réveil. Elle est envahissante comme une énorme statue de marbre dans un petit jardin. Cette puissance faible aussi expressive que ridicule, comme toute définition de l'être humain. Mais rien ne réduit les arcanes ni les formes du rêve, qui ne sont pas obligatoirement subtiles, complexes ou abandonnées, mais cognent à la porte de manière expressionniste, monstrueuse parfois, disait Éden-Théa. Mais voilà que je remplace le mot rêve par le mot de "fiction" ou celui de "littérature". N'entrevoit-on pas alors, une dimension unique dans toute sa splendeur paradoxale ? Une seule, petite, facette de l'unidimension ? C'est un éclat du réel qui ressemble à tout et à tout le monde, et qui se mire dans le rêve comme dans un miroir brisé. Ce ne sont peut-être que des bouts de charbon, disait-il. Peut-être. Mais au fin fond de la mine, ils ont côtoyé des diamants.

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