PHASES DU SILENCE



Le texte et la musicalité du texte, ne prendraient leur véritable sens qu'au travers du silence qui les entoure, les précède et les retient comme l'eau ce qui va naître. Un silence donnant lieu et vie à la parole. L'eau est là, l'eau salivaire où se retournent à chaque seconde les fœtus de la parole. Transparente et lente comme une bouche ouverte, l'eau du silence dans sa poche péremptoire ne se déchire qu'à coup d'ongles, à coup de phrases aiguisées, à coup d'à-coup répétés. Je sais qu'il y a toute une vie gisant de vibrations derrière cette paroi transparente. Je sais que le soleil la gagne, que des sons et des ondes la traversent en tous sens et qu'elle peut se dépasser elle-même. Et pourtant je ne peux rien saisir. Tout vient à moi, me touche, qui repart et se dissimule en l'insondable avec la vague. La prédominance de ce silence peut noyer l'esprit. Le silence peut demeurer silence et juste crépiter dans le noir absolu sous l'action des mouches versicolores. Que son eau monte, fut-ce de quelques centimètres autour des chevilles, que le silence se brise ne fut-ce qu'un instant, que la poche élémentaire se fendille et laisse couler un filet d'eau vive et c'est le monde de la possibilité qui passe à travers le miroir en tirant vers le bas, en m'amenant vers le mortel, vers le conflit constant du vif qui commande. Le temps que prend le silence pour devenir parole est peut-être un prétexte au bon, mais il ne peut être qu'un bon prétexte. Tout n'est pas fait pour aboutir à du texte — moins encore à un Livre — et tous les textes n'aboutissent pas. Mais toute l'eau que je bois m'est nécessaire.

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