CAMINANDO



À partir de là, la notion d'art pour l'art n'a donc plus aucun sens, disait Luigi Éden-Théa. Et puisqu'une forme choisie ne l'est plus que pour accueillir, le texte littéraire, s'il est art, n'est jamais qu'une terre d'asile, un marais susceptible, un vase capable de cueillir n'importe quel parfum, n'importe quelle odeur, n'importe quelle humeur frôlée par la vie comme par la mort. L'eau carrée d'un port ne choisit pas les coques qu'elle mouille et balance contre la pierre polie, disait-il. Dans sa vague stagnante, se mêlent ainsi sans partage les eaux usées et les élixirs marchands. Même crasseuse, même poissant les doigts comme jadis à l'encrier cette eau se veut lustrale et digne d'ablutions. L'acte d'écrire n'est pas que représentation, pure présentation au temple et salve d'icônes à révérer. Mais il demeure proche de la prière. On se moque de savoir si c'est beau, disait Éden-Théa. De savoir si c'est plus ou moins beau, plus ou moins nouveau, révolutionnaire ou génial… Ce qui importe c'est que ce soit bon, c'est tout disait Éden-Théa. Bon ? Ce que je veux dire c'est bon à quelque chose, c'est tout ! Bon à manger si vous voulez. Bbon à boire, bon à écouter, à respirer, à goûter. Bon à vivre en somme. Une vie toute de bonhommie vêtue. Un vécu lié relié à ce qui l'entoure, et qui fait sortir de chez soi, sortir de soi comme on sort de sa chambre ; la position de vieux fœtus voûté sur son papier. Littéraire ou pas, une telle écriture sera sociale, ou elle ne sera pas. Et peu importe qu'elle le soit à sa manière, toute seule, isolée parfois tel un arrêt de bus en tôles planté au milieu de nulle part. Si elle l'est c'est comme une route. Et une petite route de campagne, sans éclairage public, sans bas-côtés stabilisés, sans signalisation horizontale et sans horizon du tout mais, c'est encore une route, disait-il.

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